On cherche à l'apprivoiser, mais il n'en fait qu'à sa tête, et c'est très bien ainsi.
Car il sait enrober la forme, y déposer les cendres, y peindre les couleurs et les lignes qui la magnifient. Il imprime sur les surfaces des paysages improbables, délicats, complexes.
Il est vivant.
Il est l'artisan du rêve.
Mon travail cherche à s'ancrer dans une tradition potière millénaire, et plus particulièrement dans celle de l'extrême orient, tant dans la relation à la matière et aux formes que par les techniques utilisées.
C'est également, comme dans ces civilisations, une aventure à la fois individuelle et collective: la solitude tranquille de l'atelier et de toutes les étapes du façonnage, et le débordement d'énergie, d'engagement, de joies et de ripailles des cuiseurs qui se relaient jour et nuit, dans une danse magnifique avec le feu. Un grand merci à eux!
Nous sommes toujours trop pressés...
Contempler la nature, ses roches, ses plantes, ses bêtes; la laisser susurrer en nous son murmure. Et restituer, par nos mains, dans l'argile, les sentiments qu'elle a suscités en nous.
Laisser aussi du temps au feu.
Mon four couché oriental, de type "anagama", est une petite baleine échouée sur une faïsse d'Ardèche. En une semaine de cuisson, elle engloutit volontiers 15 à 18 stères de bois, à défaut de crevettes! Ses 12 tonnes de pots, de briques et de torchis ont encore besoin d'une autre semaine pour digérer les 1330 ° accumulés. C'est alors que se produisent les mutations de la matière qui évoquent celles des temps géologiques, et que l'on souhaiterait, comme elles, impérissables.
J'aime la porcelaine. Elle est douce et tendre, soyeuse à pétrir et exigeante à tourner, restituant pendant la cuisson les déformations qu'elle a subies lors du façonnage. A haute température, on la verrait presque danser dans le four!
Elle se suffit à elle même, et je l'enfourne crue, sans engobe ni émail, sauf dans certains bols et plats.
Sa blancheur rend lumineuses et subtiles les teintes des émaux de cendres.
Rassemblés autour des flammes, les hommes s'absorbent dans la contemplation des braises incandescentes. L'un d'eux pétrit une boulette d'argile, modèle la forme de l'animal qu'il a chassé pendant la journée et, épuisé, l'abandonne au bord du foyer. Le lendemain matin, la figurine, à moitié sèche, à moitié cuite, noircie, trône au milieu des cendres...
C'est ainsi que la céramique est née.
Et c'est ainsi qu'elle se perpétue. En mêlant, dans une création humaine, le temps, la matière et le feu.
Jean Raoul Guenassia Céramiques - Le Village, 07110, Rocles - Tel: 04 75 88 38 06 - Courriel: jraoulg@orange.fr - Hébergé chez OVH - Credits photos: J.R. Guenassia - SIRET: 418463519RM007 -